Élisabeth-Louise Vigée Le Brun | biographie

Louise Élisabeth Vigée Le brun

Peintre

Je suis née le 16 avril 1755 à Paris. Ma mère est d'origine paysanne et mon père est pastelliste.

Ma formation

Je passe mes premières années chez une nourrice près de Rambouillet. A six ans, je reviens à Paris pour entrer comme pensionnaire au couvent de la Trinité où je reçois l'éducation réservée aux filles de la petite et moyenne bourgeoisie : lecture, écriture, musique, arts ménagers, et les bonnes manières.
Je crayonne dès que je peux et à l'âge de 7 ans je réalise déjà quelques portraits.

En 1766, de santé assez faible, je quitte le couvent. Mon père qui a un certain talent m'initie à l'art du pastel dans son atelier. A la maison, professeur à l'Académie de Saint-Luc, patron des peintres, il reçoit des artistes, des gens de lettres, j'évolue donc dans cette société bourgeoise cultivée. Cette Académie sera fermée en 1777 par décision royale, elle comptait alors 130 femmes parmi ses membres.
J'ai aussi appris auprès du peintre et poète Davesne « à charger une palette ».

En 1767, mon père meurt, ce qui me procure un immense chagrin « Je restai tellement abattue par ma douleur que je fus longtemps sans reprendre mes crayons ». (Souvenirs, 1835)
C'est un ami de la famille, le peintre Doyen, qui m'encourage à reprendre le dessin, et c'est à cette époque que je commence à peindre d'après nature.

En 1769, je suis des cours d'après l'antique dans l'atelier du peintre Gabriel Briard au Louvre, avec mon amie Rosalie Boquet, future artiste peintre et pastelliste. J'ai 14 ans. Je reçois aussi les conseils du peintre Joseph Vernet « Mon enfant, me disait-il, ne suivez aucun système d'école. Consultez seulement les oeuvres des grands maîtres de l'Italie, ainsi que celles des maîtres flamands ; mais surtout faites le plus que vous pourrez d'après nature : la nature est le premier de tous les maîtres. Si vous l'étudiez avec soin, cela vous empêchera de prendre aucune manière ». (Souvenirs, 1835)

Les musées n'existent pas encore et pour voir les tableaux des grands maîtres il faut fréquenter les palais royaux ou être introduit chez des collectionneurs. C'est ainsi que ma mère me conduit au Palais du Luxembourg dont la galerie est alors ornée des chefs-d'œuvres de Rubens, et beaucoup de salles remplies de tableaux des plus grands maîtres. « On pouvait exactement me comparer à l'abeille, tant j'y récoltais de connaissances et de souvenirs utiles à mon art, tout en m'enivrant de jouissances dans la contemplation des grands maîtres... Pour me fortifier, je copiais quelques tableaux de Rubens, quelques têtes de Rembrandt, de Van Dyck, et plusieurs têtes de jeunes filles de Greuze ». (Souvenirs, 1835)
Et je voue un véritable culte au peintre Raphaël.

Un talent précoce

Ma mère se remarie avec Jacques François Le Sèvre, un riche joaillier de la rue Saint-Honoré où nous nous installons. C'est alors que la duchesse de Chartres me demande son portrait au Palais-Royal. Elle est enchantée par le tableau et bientôt toutes les grandes dames de la Cour et du faubourg Saint-Germain vont défiler rue Saint-Honoré pour avoir leur portrait. Je n'ai que 15 ans.

En 1774, cela fait 5 ans que je suis installée comme portraitiste professionnelle quand la police vient chez moi confisquer mon matériel parce qu'à cette époque personne n'a le droit de peindre sans titre ou sans apprentissage. Je demande alors à entrer à l'Académie de Saint-Luc où mon père avait été professeur. J'y suis admise le 25 octobre 1774, ce qui me permet aussi d'exposer.

En 1776, j'épouse Jean-Baptiste Pierre le Brun, médiocre peintre mais excellent commerçant d'art.

Ma réputation de portraitiste s'étend jusqu'à Versailles et en 1778 la reine me demande de faire son portrait. J'ai 23 ans et je deviens la portraitiste attitrée de la reine Marie-Antoinette.

En 1780, je donne naissance à ma fille Julie, mais n'arrête à aucun moment de peindre « peindre et vivre n'a jamais été qu'un seul et même mot pour moi ». (Souvenirs, 1835)

Je peins sans arrêt, notamment toute la famille royale, et je ferai une vingtaine de portraits de Marie-Antoinette.

Je suis reçue à l'Académie royale de peinture et sculpture le 31 mai 1783 avec mon tableau La paix ramenant l'Abondance, sans précision de catégorie alors que j'aurais pu être admise en qualité de peintre d'Histoire, mais cette catégorie n'est pas accordée aux femmes. De plus, j'y montre un sein découvert alors que les nus académiques sont réservés aux hommes. Cette même année, je participe au Salon avec un nouveau portrait de Marie-Antoinette et un portrait de Catherine Noël Worle, future princesse de Talleyrand.
Mes portraits se vendent maintenant très chers.

Je suis connue et reconnue, j'ai du succès, pourtant je dois aussi affronter des médisances et des attaques, sur ma vie mondaine et sur ma vie privée, par jalousie d'être intime avec la Cour, ou par envie du salon que je tiens chaque semaine dans mon hôtel particulier par ceux qui n'y sont pas reçus. Certains peintres ne me pardonnent pas que mes tableaux valent plus chers que les leurs.

L'exil

Effrayée par la Révolution, je m'enfuis avec ma fille, sans mon mari. Je quitte Paris le 5 octobre en diligence pour Lyon « A défaut de patrie j'allais habiter des lieux où fleurissaient les arts, où régnait l'urbanité » (Souvenirs, 1835).
Je poursuis mon voyage jusqu'en Italie en m'arrêtant d'abord à Turin. Je passe ensuite par Bologne, Florence, avant d'atteindre Rome. Dans chaque ville je suis accueillie par des amis, je m'installe quelques temps, je visite des églises, des musées, des palais pour y voir des chefs-d'œuvres.

Ma réputation me devance et partout je suis reçue avec les honneurs. Trois jours après mon arrivée à Bologne, je suis reçue membre de l'Académie et de l'institut de Bologne.

Quand j'arrive à Rome, cela fait un mois que j'ai quitté Paris, j'ai 34 ans.
Je recommence alors à peindre, mon premier tableau est un autoportrait commandé par la ville de Florence où l'on me voit avec une ceinture rouge, un ruban ivoire, tenant un pinceau dans la main droite.
« Ce tableau sera certainement un des plus intéressants de la précieuse collection des portraits de peintres peints par eux-mêmes ». (Comte d'Espinchal dans Journal d'émigration, 1912)

« On m'appelle Madame Van Dyck, Madame Rubens, d'autres encore plus haut... ». (Lettre à mes amis Robert et Brongniart du 16 mars 1790)

Puis je quitte Rome pour Naples, véritable capitale à l'époque. J'y peins le portrait de la reine Marie-Caroline, sœur de Marie-Antoinette.
En effet, tout au long de mon voyage, je rencontre beaucoup de personnes de la société française, comme moi expatriées, attendant des jours meilleurs pour rentrer à Paris.
Je remonte vers le nord de l'Italie, pensant rentrer en France, mais j'apprends les événements du 10 août 1793. Parmi les victimes des massacres de Paris, j'entendais nommer des personnes de ma connaissance, d'autres devaient se cacher, certains allaient être plus tard emprisonnés ou guillotinés. Quant à David, il était devenu un fougueux révolutionnaire.
Ayant moi-même fui la Révolution, je suis sur la liste des émigrés, je ne peux donc rentrer en France sans prendre le risque de me faire arrêter et guillotiner. Je poursuis donc ma route, quitte alors l'Italie pour Vienne. J'y mène la même vie mondaine qu'à Paris et je reprends mon travail de portraitiste de femmes belles et élégantes.
Je ne m'intéresse pas aux événements de la Révolution et refuse même d'en être informée, j'apprends tout de même la mort du roi et de Marie-Antoinette.

En 1794, mon mari resté à Paris demande le divorce.

En avril 1795, j'ai 40 ans, quitté Paris depuis 6 ans et je suis installée à Vienne depuis 2 ans quand l'impératrice Catherine II de Russie me demande. Je m'arrête à Prague, Dresde, Berlin et arrive à Saint-Pétersbourg en juillet. A cette époque, Saint-Pétersbourg est considérée comme une ville de culture française et tout le monde parle français.

En 1800, je suis admise à l'Académie de Saint-Pétersbourg où j'habite depuis 4 ans. Je passe aussi quelques temps à Moscou, et comme partout ailleurs je fais des portraits. Je repars pour Berlin où je suis reçue à l'Académie de peinture de Berlin en 1801.

Malgré mon exil, j'envoie des tableaux pour les expositions du Salon.

Le retour à Paris

Rayée de la liste des émigrés sur insistance de mon mari et suite à une pétition signée par 255 artistes, je finis par arriver à Paris le 18 janvier 1802, après douze ans d'exil. J'y retrouve avec grand plaisir mes amis et reprends ma vie d'avant mais je suis nostalgique de la société qui a disparu avec la révolution, du faste et de l'élégance qui régnait à la cour.

« Je n'essaierai point de peindre ce qui se passa en moi lorsque je touchai cette terre de France que j'avais quittée depuis douze ans : la douleur, l'effroi, la joie qui m'agitaient tour à tour... Je pleurais les amis que j'avais perdus sur l'échafaud ; mais j'allais revoir ceux qui me restaient encore... Mais ce qui me déplaisait bien davantage, c'était de voir encore écrit sur les murs : liberté, fraternité ou la mort ». (Souvenirs, 1835)

Dans mon hôtel particulier, je reprend mes soupers d'artistes, et y fais même dresser un théâtre pour jouer la comédie.

Nouveaux voyages

Au bout de deux ans mon besoin de voyager me reprend et c'est à Londres que je décide d'aller. J'y passerais 3 ans et comme partout je travaille beaucoup. Je fais, entre autres, le portrait du prince de Galles, futur Georges IV.
Je rentre en France en juillet 1805 sous l'Empire, régime auquel je suis hostile.
Je repars alors, cette fois pour la Suisse et ses montagnes. Je fais des dessins de paysages au pastel, environ une centaine. En 1807, j'y rencontre Madame de Staël et je fais son portrait.
« … Staël offrait à le Brun un talent digne d'elle, le Brun méritait seule un si parfait modèle ; l'univers étonné de cet ensemble heureux, sans choix tombe en silence aux pieds de toutes deux ». (Comtesse de Beaufort d'Hautpoul, femmes de lettres)

Le retour définitif en France

En 1809, je m'installe dans une belle demeure à Louveciennes où je partage mon temps entre peinture, jardin et amis, et je passe l'hiver à Paris où j'ai repris ma vie mondaine et où dans mon salon la conversation a repris ses droits comme avant la révolution.
En 1814, c'est avec joie que j'assiste au retour des Bourbons sur le trône de France, Louis XVIII est accueilli le 3 mai par une foule en liesse.

De 1835 à 1837 je publie mes Souvenirs, en trois volumes. J'ai aussi écrit Conseils pour la peinture de portraits pour ma nièce Eugénie le Brun.

Je meurs en 1842 à l'âge de 87 ans.

Je suis une peintre parmi les plus grands de mon époque.
Ma production artistique s'évalue à plus de 1000 oeuvres dont 700 portraits.

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