Les femmes et la musique

Bien que Sainte Cécile soit la patronne des musiciens et musiciennes ainsi que des fabricants d'instruments de musique, aucun nom de musicienne avant le XVIIème siècle ne nous est connu. Pourtant, il existe des traces dès l'Antiquité de femme jouant de la musique : harpe égyptienne, joueuse de lyre, de cithare, de vielle, d'orgue.

Dans le livre Le Champion des dames de Martin Le Franc du XVème siècle, plusieurs illustrations mettent en scène des femmes jouant de la musique, dont une où neuf femmes avec des instruments de musique différents donnent un concert.

Si la plupart des musiciens sont formés dans les maîtrises, au service des cathédrales et des chapelles, les femmes en sont exclues, n'étant pas autorisées à chanter dans les églises. Mais il ne leur est cependant pas interdit de jouer de l'orgue. Les premières femmes musiciennes dont on trouve trace au XVIIème siècle sont donc des organistes. Elles sont formées par leur père ou par un professeur, le plus souvent ami de la famille.

C'est au cours de ce siècle qu'apparaissent également les premières clavecinistes, telles Élisabeth Jacquet de la Guerre qui fut aussi compositrice, et Marie-Françoise Certain, toutes deux très célèbres à leur époque. Plus nombreuses sont les cantatrices dont La Demoiselle Saint-Christophe qui fut engagée par Lully en 1674 à l'Académie royale de musique fondée par Louis XIV. Malgré tout, elles étaient souvent concurrencées par des castrats dans les opéras et dans les églises.

Au XVIIIème siècle, si les femmes compositrices, musiciennes, chanteuses sont de plus en plus nombreuses, elles sont encore souvent organistes, clavecinistes, jouent de la harpe ou de la viole. Mais quelques unes composent des sonates, et à la fin du siècle, certaines s'emparent du piano et composent des symphonies, comme la Symphonie concertante pour piano, clarinette, basson et cor d’Amélie-Julie Candeille.

En 1795, naissance du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, ouvert aux deux sexes à ses débuts mais dans des classes séparées. Cependant, les femmes ne sont pas admises dans toutes les classes, elles n'ont accès qu'au solfège, au chant et au piano. Tous les autres cours, violon, basse, flûte, hautbois, clarinette, basson, cor, ne leur sont pas ouverts. Il faut attendre 1851 pour voir Camille Urso, violoniste, être reçue à l'âge de neuf ans à l'unanimité par le jury d'admission, ouvrant ainsi le Conservatoire aux femmes.

Durant le dix-neuvième siècle, les salles de concerts et de théâtre s'ouvrent au grand public, les chanteuses et cantatrices sont de plus en plus nombreuses, ainsi que les compositrices, qui s'essaient à tous les genres, tel que des compositions pour piano, des œuvres de musique de chambre, des symphonies, des chansons et romances, des mélodies romantiques, des pièces pour piano ou orgue, des concertos, des ballets, des poèmes symphoniques, des opéras. Citons seulement Mel Bonis, autrice d'environ trois cents œuvres.

Mais si les compositrices sont plus nombreuses, ce n'est qu'en 1913 qu'une femme obtient pour la première fois le Prix de Rome de composition musicale.

Au XXème siècle, les femmes prennent une place de plus en plus importante dans la musique et remportent souvent des premiers prix au Conservatoire de Paris. Elles sont toutefois rarement cheffes d'orchestre, 21 femmes pour 586 hommes, selon les chiffres de la SACD (société des auteurs et compositeurs dramatiques).
Et à ce jour, le Conservatoire national supérieur de musique de Paris n'a encore jamais été dirigé par une femme. 

Articles

Maurice Bourges, compositeur et musicographe. Revue et Gazette musicale, 26 septembre 1847

"Décidément, et en dépit du piquant moraliste, l'affranchissement de la femme est un grand bienfait dont les résultats seront plus sensibles dans l'avenir. Nous sommes encore trop voisins de l'époque de cette émancipation pour que la valeur de ses résultats, surtout en musique, soit immédiatement appréciée. Il y a un travail secret que le temps seul opère dans les entrailles des générations. La femme-compositeur est encore sous le coup d'immenses obstacles, qui équivalent souvent à des impossibilités réelles, et gênent, non seulement l'essor, mais encore la circulation publique de sa pensée... On ne leur met guère les doigts sur le clavier que pour aboutir à des polkas, à des valses, à l'accompagnement d'une romance, ou à des tours de force d'exécution qui font s'exclamer les amis de la maison, sans que l'intelligence y soit pour un millionième. De ranger dans le programme des études d'une jeune fille celle de la composition, ne serait-ce que comme moyen d'analyse et d'interprétation éclairée, c'est ce qu'on a garde de faire... Ne soyons pas surpris de ne voir qu'un nombre limité de femmes s'engager sur les routes épineuses de la production musicale, surtout de la haute composition. Qu'on en tire néanmoins aucune conclusion défavorable contre leur aptitude. Les exemples passés plaident leur cause ; le temps viendra où elles la gagneront, et fonderont, libres à leur tour, la république musicale des femmes".

Adrien de La Fage, compositeur et musicologue. Revue et Gazette musicale, 3 octobre 1847

"Il s'agit de la manière même de désigner les femmes qui écrivent de la musique. Vous leur permettez, messieurs les académiciens, d'être bonnes lectrices, vous trouvez également bon qu'elles soient accompagnatrices, et si pour bien des choses vous entriez en lice avec elles vous convenez que dans le nombre vous pourriez rencontrer de dangereuses compétitrices ; pourquoi donc ne leur laissez-vous pas la liberté d'être compositrices ? Et de quel droit vous étonneriez-vous qu'elles fussent autrices excellentes, de même que plusieurs sont actrices sublimes ?... Grâce pour nous, messieurs les académiciens, ne nous forcez pas, pour nous conformer à vos règles, de parler un langage barbare, et de plus irrégulier. Nous ne vous obéirons pas ; nous braverons votre colère... Corrigeons donc hardiment les barbarismes et solécismes académiques ; employons les mots nouveaux qui deviennent nécessaires, et déclinons-les régulièrement... Les noms d'auteur et de compositeur appliqués aux femmes avec une terminaison masculine sont pour elles une injure véritable et semblent indiquer l'habitude inconvenante de regarder le talent chez la femme comme un véritable phénomène".
 

Les femmes dans l'orchestre

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