Les femmes de lettres

A l'Antiquité, il est une poétesse dont le nom et quelques écrits sont parvenus jusqu'à nous : Sappho. Elle a été très célèbre et appréciée, plus de cent auteurs anciens l'ont citée ou ont parlé d'elle. On lui doit la création d'une forme métrique particulière, la « strophe sapphique » (forme de versification).

Il faut attendre le 12ème siècle pour qu'un autre nom de femme poétesse nous soit encore connu. Il s'agit d'Héloise, première femme de lettres d'Occident. Sa correspondance en latin avec Abélard demeure le modèle du genre épistolaire classique.
Mais c'est Marie de France (1160-1210) qui est connue comme la première femme écrivain d'expression française. Elle écrit des lais, contes en vers, des fables qui font d'elle la première fabuliste française. Elle est l'autrice d'Ysopet, première adaptation en français des fables d’Ésope. Elle est aussi la première femme connue à avoir écrit des poèmes en français.
Au 14ème siècle, Christine de Pizan occupe une place éminente par sa science et son talent, elle est l'un des plus grands écrivains de son temps.

Sous François 1er, la France connaît une activité intellectuelle considérable, avec une féconde production littéraire dès le début du 16ème siècle, d'où les femmes ne sont pas exclues, dont une des plus grandes gloires est Marguerite de Valois.
Sous Louis XIV, c'est l'essor de l'art de la conversation, principal prestige des salons. L'un des plus fameux est celui appelé la chambre bleue à l'hôtel de Rambouillet tenu par Mme de Rambouillet. Si les Anciens connaissaient la conversation entre hommes, c'est en France que naquit la conversation entre les deux sexes.
C'est une femme, Madame de Lafayette, qui, à cette époque, donne à la littérature française son premier roman : La princesse de Clèves.

Le 17ème siècle connaît un grand nombre de femmes ayant une influence littéraire, elles sont célèbres et reconnues. Elles étaient pourtant exclues des collèges, des universités, de l'Académie française et de la plupart des Académies provinciales.
Jusqu'à la Révolution, le statut d'auteur n'est pas réservé qu'aux hommes, et dans les dictionnaires, du point de vue de la langue, la femme est en littérature l'égale de l'homme.

La masculinisation progressive du canon littéraire qui va alors s'opérer s'inscrit dans un mouvement plus large marqué par la montée en puissance des idéologies de la différenciation naturelle des sexes, par l'intensification des marques de genre inscrites sur les activités humaines.
Le grand oubli commence lorsque l'histoire littéraire française décide d'effacer leurs noms de ses listes. L'académicien Jean-François de la Harpe est un grand contributeur de cet effacement avec la publication en 1798 de ses 16 volumes « Lycée, ou Cours de littérature » d'où les femmes sont quasiment absentes. Absence qu'il justifie en ces termes : « Leurs mains (des femmes) sont faites pour arranger les fleurs » ou encore « La force de conception réfléchie et de travail suivi est au dessus de ce sexe ».

L'Académie française est créée officiellement en 1635. En 1893, elle reçoit la première candidature féminine, celle de la romancière Pauline Savary, qu'elle déclare non recevable. Ce n'est qu'en 1980 que pour la première fois une femme, Marguerite Yourcenar, y est élue. Elle sera suivie par sept autres femmes. Elles sont aujourd'hui quatre à y siéger, dont Hélène Carrère d’Encausse, première femme Secrétaire perpétuel.

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France Culture. Aurore Evain. Emission du 14 mars 2019

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