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En 1979, je publie Hors-Cadre Eisenstein, un essai sur le montage cinématographique dans ses rapports avec la pensée et les autres arts
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J'écris une soixantaine d’articles, réalise trois films de long métrage et une quinzaine de films Tarahumaras
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En 2000, je suis nommée professeur en Études cinématographiques à l’Université de Lille III, puis professeur émérite en 2003.
Ma rencontre avec les Tarahumaras est passée, d'abord, par les textes d'Artaud. Cependant, j'ai filmé le rite du Tutuguri sans penser au poème d'Artaud que j'avais lu il y a quelques années. Je l'ai seulement redécouvert après avoir réalisé le montage. Ce fut alors que j'ajoutai la lecture de ces fragments de textes. Au début il y avait des silences et le chant du sorcier qui surgissait six fois, comme la danse, filmée en temps réel.
Extrait du film "Los Pintos tarahumaras"
Chère Mademoiselle, Je suis impressionné par votre analyse du 3ème sens et toute votre mise en place d'un départ théorique à partir d'Eisenstein ; cela m'a fait un plaisir énorme, non pas qu'on pense comme moi, mais qu'on sente comme moi... En tout cas, merci pour ce texte – de ceux qui justifient d'écrire.
Lettre de Roland Barthes à Raymonde Carasco, 4 août 1973 suite à son article Retour à/Reprise de Eisenstein.
Il y a des films faits pour une saison, programmés d'avance pour plaire. Il y en a même de plus en plus; ils nous assaillent des dernières nouveautés et tombent dans l'oubli. Rentabilisés. Il en est d'autres: ceux qui recueillent le meilleur de ce qu'une génération a vécu et pensé, ceux qui arrivent à temps, juste à temps pour éviter l'oubli. "Rupture" est de cette trempe : c'est le film qui a su recueillir, et qui pourra transmettre, la sensibilité et la tonalité propres aux années soixante dix.
Pierre Rodrigo. Le Journal de Toulouse, 14 mai 1990
Lorsque l’on découvre l’oeuvre de Raymonde Carasco, l’une des entreprises de cinéma les plus exemplaires de ce siècle, soudain il semble que le cinéma accomplisse les idéaux du Romantisme allemand : «Si tu veux entrer dans les profondeurs de la physique, fais-toi initier aux mystères de la poésie» (Schlegel)... avant même de trouver son terrain sur les plateaux du Mexique, l’élégance formelle qui structure le style de Raymonde Carasco dès Gradiva Esquisse I relevait des schèmes plastiques propres au rite : fragmentation, monumentalité, fétichisation, sérialité. Mais le cinéma ici ne monumentalise pas autre chose que le réel même, au sein duquel Raymonde Carasco a élu un motif privilégié, le geste. Elle montre que chaque geste humain, à commencer, comme chez Muybridge et Marey, par la marche et la course, résulte moins des caractéristiques singulières du corps individuel concret que d’un rapport global de l’homme au monde -- tout geste est une mythographie, et ce que Raymonde Carasco décrit des Tarahumaras comme Jean Rouch des Dogons nous indique comment nous aussi nous sommes des marionnettes turbulentes, mais tirées par des fils moins magiques.
Nicole Brenez. Texte de présentation de la rétrospective des films Tarahumaras de Raymonde Carasco à la Cinémathèque Française de Paris, Salle des Grands Boulevards, du 17 septembre au 29 octobre 1999
Comme d'habitude, chez Raymonde Carasco les images ont quelque chose de tactile. Il y a une présence physique des êtres et des choses (la pierre, les outils, les animaux) qui témoigne d'une communication assez forte, voire sensuelle, de la part de la réalisatrice. Du cinéma ethnologique qui part d'une approche esthétique pour, petit à petit, rejoindre la réalité. Du cinéma expérimental qui dépasse de loin l'exercice formel par l'intensité d'un vécu profond.
Jacques Dutoit. A Propos de Tarahumaras 78 ; Rapport des conseillers à la diffusion, "Espaces 80 – Porte de la Suisse"