Laure Albin Guillot | biographie

Laure Albin Guillot

Photographe

Avant mon mariage

Je suis née Laure Meifredy le 14 février 1879 à Paris.
J'appartiens à la bourgeoisie parisienne, j'étudie au lycée Molière, je fais de la peinture, surtout des portraits et je joue du piano.
Je n'ai jamais parlé de mes parents ni de mon enfance.

Durant mon mariage

Je n'ai que 18 ans en 1897 quand je me marie avec Albin Guillot, étudiant en médecine, organiste et compositeur. Fortuné, il n'a pas besoin d'exercer la médecine mais il se consacre à la composition et à des recherches scientifiques. Nous travaillons notamment ensemble à des préparations microphotographiques, photographies de coupe en lamelles de substances naturelles, de minéraux, de végétaux.

En 1922 apparaissent mes premières photographies de mode dans Vogue. Je travaille pour les grands couturiers de l'époque mais d'une manière tout à fait personnelle et inédite. « Au lieu de se contenter de draperies ou de décors, elle emmenait les mannequins dans des lieux historiques, les Hôtels du marais ou Versailles. L'on se rappelle d'un modèle, portant une robe drapée, posant devant la colonnade du Louvre : c'était admirable ».(Jean-Denis Maillart, peintre. Esquisse d'un portrait de Laure Albin Guillot, 1986)
Je reçois la médaille d'or au concours de la Revue française de photographie.

Très vite, mes photographies sont publiées dans la presse illustrée et d'information : Fémina, Arts et métiers graphiques, l'Officiel de la couture et de la mode, l'Illustration, Vu...

Au Salon d'Automne de 1925, j'expose une grande nature morte dans un splendide cadre Louis XIV, projetant ainsi la photographie au rang des Beaux-arts. Et en 1928, je participe au premier Salon des indépendants de la photographie, au côté d'André Kertész.

Je prépare moi-même mes papiers qui serviront de support à l'image : « Elle emploie ces Japons, ces Hollandes, ces Arches qu'utilisaient les anciens graveurs pour l'impression de leurs estampes et c'est peut-être bien à cause de ce soin qu'elle apporte au tirage que lui est venue l'idée d'une expression : estampe photographique ». (Léandre Viallat, Art et Décoration, 1926)

À partir de 1929, année de la mort de mon mari, je développe mon activité professionnelle. J'aménage un studio dans ma maison du boulevard Beauséjour, près de la Muette.

Les années 30

Durant cette décennie, je domine la scène photographique française. Mon succès est grandissant et j'acquiers une grande notoriété.
En photographe indépendante, je me consacre à des genres variés comme le portrait, le nu, le paysage, la nature morte, la mode, la publicité.

En 1931, je publie un premier livre qui obtient un grand succès. C'est un volume qui regroupe vingt tirages, agrandissements de substances naturelles : pollens, algues, écaille de poisson...
« Elle nous présente aujourd'hui le résultat de ses recherches... Madame Albin Guillot, dont le talent, chacun le sait, transfigure tout ce qu'elle touche, a su déchiffrer, traduire, interpréter la nature et changer le plomb vil en or pur, faire jaillir des plus humbles êtres le feu divin qui les anime  ». (Paul Léon, directeur général des Beaux-arts. Préface de Monographies décoratives)

Cette même année, je deviens présidente de l'Union féminine des carrières libérales et commerciales.
En 1932, je suis nommée Cheffe du service photographique des Beaux-arts où j'assure la conservation des archives photographiques et leur diffusion. Et cette même année je fonde la Société des artistes photographes.

Je fais des photographies publicitaires dans des compositions et mises en page nouvelles jouant ainsi un rôle dans la nouvelle photographie des années 30.
Je suis une des premières à écrire un texte théorique sur la fonction de la photographie dans la publicité, publié en 1933 dans mon livre Photographie publicitaire.

Je suis aussi novatrice en appliquant la photographie au domaine de la décoration : paravent, abat-jour, meubles, tapis... Et en 1935, je décore la salle de jeu des enfants du paquebot le Normandie ; j'en dessine aussi les meubles, ce qui me vaut d'être invitée pour son premier voyage.

Durant ces années, j'ose photographier des nus féminins mais aussi des nus masculins, ce qui fait de moi une pionnière dans cette réalisation. Portraits audacieux auxquels la galerie Billiet-Vorms consacre une exposition « Portraits d'hommes » en 1935..
Cette même année, j'expose à la galerie de la Pléiade avec Brassai, Dora Maar, André Kertész...

Je suis une des organisatrices de l'Exposition des femmes artistes d'Europe qui se tient au Jeu de Paume durant l'Exposition international des arts et techniques à Paris de 1937, où plus de cinq cents œuvres sont exposées dont quelques unes de mes photographies.

En 1939, je fais évacuer les fonds photographiques et cinématographiques dont j'ai la responsabilité avant de quitter mon poste en 1940. Je quitte d'ailleurs toutes mes fonctions officielles à ce moment-là.

Portraitiste et illustratrice

Dans ma maison, j'aime à recevoir mes ami.e.s, des artistes, peintres, musiciens, écrivains, poètes...
Je réalise ainsi dans le studio que j'ai fait aménagé de nombreux portraits : Raoul Dufy, André Gide qui m'appelle « La voyante aux yeux clairs », Paul Valéry, Jean Cocteau, Colette, Paul Léon...

Je réalise une série de soixante photographies du Louvre la nuit, une commande d'Henri Verne, directeur des Musées nationaux qui a le projet d'ouvrir le Louvre la nuit. Ces photographies seront publiées en 1937.

En 1938, je participe à l'illustration du livre « Aspects de la France », préfacé par Paul Claudel, réalisé en vingt jours à l'occasion de la visite en France du roi George VI et de la reine Élisabeth.

Je réalise plusieurs illustrations pour des publications de Paul Valéry, Henry de Montherlant, Claude Debussy, Marcelle Maurette...

En 1956, j'arrête ma carrière professionnelle et me retire à la Maison nationale des artistes de Nogent-sur-Marne où je décède le 22 février 1962.

Mes oeuvres

Une grande partie des tirages originaux et documents exposés au Jeu de Paume (2013) proviennent des collections de l’agence Roger-Viollet qui fit l’acquisition du fonds de mon atelier en 1964. Ce fonds, appartenant aujourd’hui à la Ville de Paris, a été récemment rendu accessible après un long travail d’inventaire. Composée de 52 000 négatifs et 20 000 épreuves, cette source a permis de questionner l’œuvre et la place que j'occupe réellement dans l’histoire.

Monographies décoratives. Draeger Frères, Paris, 1931
Photographies publicitaires. Gauthier-Villars, Paris, 1933
Paul Valéry, Narcisse, illustré de 13 compositions photographiques, Paris 1936
Pierre Louÿs, Douze chansons de Bilitis, illustré de nus, Paris, 1937
Hervé Verne, Le Louvre la nuit, illustré de 60 photographies, Editions Arthaud, Grenoble, 1937
Aspects de la France, commande du gouvernement, partiellement illustré, Paris, 1938
Paul Valéry, La Cantate de Narcisse, illustré de vingt photographies, Editions Artra, Paris, 1942
Paul Valéry, Arbres, dialogue accompagné de dix-huit photographies, Rousseau Frères, Bordeaux, 1943
Pierre Darras, A travers Paris – Décors et fantôme, photographies, Henri Colas, Paris, Rousseau Frères, Bordeaux, 1944
Marcelle Maurette, Ciels, illustré de seize photographies, Rousseau Frères, Paris, 1944
Henry de Montherlant, La déesse Cypris, illustré de douze études de nus, Henri Colas, Paris, 1946
Louise-Edmée Chevallier, suite d'illustrations pour le Grand Meaulnes d'Alain Fournier, mise en scène et photographies des figurines créées par L-E Chevallier, Henri Colas, Paris, Rousseau Frères, Bordeaux, 1946
Claude Debussy, Préludes, illustrations photographiques, 1948
Daniel-Rops, Missa est, planches photographiques, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1951