Mon éducation
Je suis née le 17 décembre 1706 à Paris, fille de Louis Nicolas de Breteuil et de Anne de Froulay.
Contrairement aux jeunes filles de bonne famille de mon époque envoyées au couvent dès leur plus jeune âge jusqu'à leur mariage, pour y apprendre essentiellement à lire et écrire, je reçois une éducation tout à fait exceptionnelle pour mon temps. J'apprends le latin, le grec, l'allemand, l'anglais, l'italien, je prends des cours de mathématiques, d'astronomie, de géographie, et je me passionne pour la philosophie anglaise. A l'âge de 15 ans, j'entreprends une traduction de Virgile.
Cependant, je fais un mariage de convenance, me conformant aux règles de mon milieu. C'est ainsi que j'épouse le Marquis du Châtelet à l'âge de dix-neuf ans. Impressionné par mes connaissances et fier de mon intelligence, il me soutiendra jusqu'à sa mort, même si nous nous séparons après la naissance de notre deuxième enfant.
Après avoir délaissé quelque temps mes livres pour la vie mondaine parisienne, je m'installe, en 1735, avec Voltaire au château de Cirey où je me consacre de nouveau aux études. Je commence par une traduction de La fable des abeilles de Mandeville, considéré comme le Montaigne des anglais.
Ma passion pour la physique
Avec les travaux de Newton sur l'attraction, la physique devient la science à la mode, ce qui fait écrire à Voltaire « Les vers ne sont plus guère à la mode à Paris. Tout le monde commence à faire le géomètre et le physicien ». Lui-même s'y consacre un temps. Il crée un véritable laboratoire au château de Cirey où je mène avec lui de nombreuses expériences.
Je réponds d'ailleurs à un concours de l 'Académie des sciences dont le sujet est De la nature du feu et de sa propagation. Je n'obtiens pas le grand prix mais mon mémoire est tout de même publié par l'Académie en 1738. Je participe également à l'écriture de l'ouvrage d'Algarotti Le newtonianisme pour les dames.
Au XVIIIème siècle, comme dans les siècles précédents, la seule activité intellectuelle permise aux femmes est la littérature, le domaine de l'abstraction étant réservé aux hommes. Il me faut donc beaucoup d'audace pour me lancer dans une carrière scientifique.
Je prends des cours avec Maupertuis, Clairaut, mon maître en géométrie, et avec Koenig. J'ai une connaissance approfondie de tous les écrits scientifiques du moment, suis partie prenante dans les débats scientifiques qui agitent la scène européenne, et j'ai des correspondances avec les plus grands savants de l'époque : Maupertuis, Clairaut, Wolff, Euler, Jurin, Mussembrock, et le père Jacquier.
Je m'intéresse également à Leibniz et écris dans une lettre à Frédéric « Je suis persuadée que la physique ne peut se passer de métaphysique sur laquelle elle est fondée, j'ai voulu donner une idée de la métaphysique de M. de Leibniz que j'avoue être la seule qui m'ait satisfaite, quoiqu'il me reste encore bien des doutes ».
Pour moi, la physique est la reine des sciences « Elle paraît faite pour l'homme, elle roule sur les choses qui nous environnent sans cesse et desquelles nos plaisirs et nos besoins dépendent ». En 1740, je publie mes Institutions de Physique. Ouvrage qui est traduit en allemand et en italien, et qui me vaut d'être nommée membre de l'Académie de Bologne en 1746.
Aujourd'hui, on considère que les « premiers chapitres des Institutions sont l'une des plus belles et des plus nettes expositions de la théorie de Leibniz en français ». (Exposition à la Bibliothèque Nationale de France).
Ma traduction de Newton
En 1744, je commence la traduction des Principia Mathematica de Newton. J'y ajoute mon Commentaire.
L'ouvrage est presque achevé quand je meurs en 1749. C'est Clairaut qui le termine mais il faudra attendre 1759 pour qu'il soit publié.
A l'heure actuelle, c'est encore la seule traduction complète de l’œuvre de Newton.
J'ai également fait des études sur d'autres sujets : Examen de la Bible (1735-1736), Essai sur l'optique (1736-1738), Discours sur le bonheur (1744-1747), Exposition abrégée du système du monde (1748-1749).
Mon intelligence, mon caractère passionné, mon absence de préjugés, mon intérêt pour les sciences et la philosophie, font de moi l'une des premières femmes savantes de mon époque.