Mon enfance
Je suis née Françoise Quoirez dans une famille aisée de propriétaires terriens et d’industriels..
Élève indisciplinée, ma scolarité est mouvementée, je suis renvoyée plusieurs fois des écoles privées que je fréquente. Mais j'ai une passion pour la lecture, je lis tout le temps, Gide, Camus, Proust, Cocteau, Colette, Flaubert, Sartre...
Je sais que je serai écrivaine et rien d'autre : « Je vais écrire un livre, il aura beaucoup de succès et j'achèterai une jaguar ». Ce que j'ai fait.
Et malgré des études au Cours Hattemer, établissement privé avec une pédagogie spécifique pour chaque élève, je m'y reprends à deux fois pour obtenir mon baccalauréat. Pendant ces études, je me lie d'amitié avec Florence Malraux, fille d'André Malraux.
Mes autres amis sont entre autres, l'écrivain Bernard Franck et le danseur Jacques Chazot.
Je m'inscris à la Sorbonne, mais je fais surtout la fête, notamment avec mon frère avec qui je découvre les boîtes de nuit et clubs de jazz de Saint-Germain-des-Près. L’alcool est aussi bien présent dans nos soirées.
Le succès et les excès
L'été 1953, j'écris mon premier roman Bonjour Tristesse, dont je retravaille le dénouement avec Colette Audry, professeur de lettres.
J'ai 18 ans quand l'éditeur Julliard le publie, sous le nom de Françoise Sagan, en référence à la princesse de Sagan, personnage de A la recherche du temps perdu de Proust, mon père refusant de voir son nom apparaître sur la couverture du livre.
Mon premier livre connaît un succès immédiat, mais il fait aussi scandale, parce que mon héroïne a des relations sexuelles avant le mariage, de plus avec quelqu'un dont elle n'est pas amoureuse, et qu'elle ne tombe pas enceinte. Le plaisir de la femme et son droit à une sexualité libre ne sont pas encore admis dans la société.
« J'ai été très surprise du scandale que ce livre a suscité. Pour les trois quarts des gens, le scandale de ce roman, c'était qu'une jeune femme puisse coucher avec un homme sans se retrouver enceinte, sans devoir se marier. Pour moi, le scandale dans cette histoire, c'était qu'un personnage puisse amener par inconscience, par égoïsme, quelqu'un à se tuer ». Entretien avec Alain Louyot, L'Express, 27 septembre 2004.
J'obtiens le prix des Critiques et André Malraux qui m'appelle le « charmant petit monstre » écrit dans le Figaro du 1er juin 1954 « Le mérite littéraire éclate dès la première page et n'est pas discutable ».
Je pars ensuite en Italie faire une série de reportages pour le magazine Elle, chaque épisode s'intitule Bonjour Naples, Bonjour Venise... en référence à mon livre.
En 1956 paraît mon deuxième roman qui est aussi un succès.
« J'écris généralement entre minuit et six heures du matin. Je me lève tard, à l'heure du déjeuner, et je traîne pendant la journée : je vois des amis, je vais à droite et à gauche, je lis ». Jean-Luc Delblat, journaliste, JLD Productions. Entretien, 30 mai 1991
Je deviens le symbole d'une génération aisée, insouciante et désinvolte, un phénomène de société.
En 1957, j'ai un grave accident de voiture. Plusieurs fractures m'immobilisent et on m'administre un dérivé morphinique pour soulager mes douleurs. Je dois faire une cure de désintoxication à ma sortie d'hôpital. Je raconte cette expérience dans Toxiques qui paraît en 1964.
C'est un échec, je suis devenue dépendante aux médicaments, à l'alcool et aux drogues « La seule chose que je trouve convenable, si on veut échapper à la vie de manière un peu intelligente, c'est l'opium » Françoise Sagan : Un entretien, un dossier, Magazine Littéraire n°29, juin 1969.
J'ai déjà gagné beaucoup d'argent et je vais le jouer dans des casinos, Monte-Carlo, Deauville... Le 8 août 1958, la chance me sourit : je gagne 8 millions de francs, ce qui me permet d'acheter le manoir du Breuil près de Honfleur et des voitures de sport. J'adore conduire à vive allure dans Paris la nuit.
Cette même année, j'épouse l'éditeur Guy Schoeller que j'avais rencontré à New-York trois ans plus tôt, dont je divorce très vite avant de me remarier en 1962 avec le mannequin Robert Westhoff dont j'ai un fils.
Mais mon grand amour est la mannequin et styliste Peggy Roche, et ce jusqu'à sa mort.
En 1960, je vais à Cuba réaliser un reportage pour l'Express, et cette même année je signe le manifeste des 121 : Déclaration sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie.
En représailles, l'OAS plastique l'appartement de mes parents, sans autres conséquences que des dégâts matériels.
Quelques années plus tard, je signe le manifeste des 343 appelant à la légalisation de l'avortement.
J'écris une vingtaine de romans, ce sont des millions de livres vendus en France et de très nombreuses traductions.
J'écris des pièces de théâtre, ma première Château en Suède reçoit le prix du Brigadier 1960, et si d'autres pièces ont beaucoup de succès, certaines sont des échecs.
J'écris aussi des nouvelles, des scénarios, dont Landru de Claude Chabrol, des dialogues comme ceux de Le bal du comte d'Orgel de Marc Allégret, des chansons, notamment pour Juliette Gréco.
« Écrire est la seule vérification que j'ai de moi-même... J'ai toujours l'impression d'aller à un échec relatif. C'est à la fois fichu et gagné. Désespérant et excitant ». Entretien avec Jean-Jacques Pauvert, 1975.
En 1979, je suis présidente du festival de Cannes.
Je me lie d'amitié avec François Mitterrand. Invitée en 1985 à un voyage officiel à Bogota, je fais un malaise respiratoire, victime de l'altitude ou overdose... et dois être rapatriée.
C'est aussi en 1985 que je reçois le prix Prince-de-Monaco pour l'ensemble de mon œuvre.
En 1988, je suis inculpée pour usage et transport de stupéfiants.
Les années suivantes sont des années noires : décès de mon frère, de Peggy Roche, de mes parents, de Robert Westhoff. Et mes ennuis de santé ne me laissent pas de répit.
En 1995, je défraie de nouveau la chronique dans des affaires de drogues.
En 1996, je publie mon dernier roman Le miroir égaré.
En 1998, je rédige mon épitaphe : « Sagan, Françoise. Fit son apparition en 1954, avec un mince roman, Bonjour tristesse, qui fut un scandale mondial. Sa disparition, après une vie et une œuvre également agréables et bâclées, ne fut un scandale que pour elle-même ».
En 2002, je suis rattrapée par le fisc pour l'affaire Elf. Je suis accusée d'avoir usé de mon influence pour permettre un contrat d'exploration pétrolière d'Elf en Ouzbékistan. Je suis condamnée pour fraude fiscale, et ruinée.
Ma dernière compagne Ingrid Mechoulam, épouse d'un millionnaire, rachète quelques uns de mes biens et m'en laisse l'usufruit. Elle me soutient pendant mes dernières années, mais elle me garde isolée jusqu'à ma mort en 2004.