De Montauban à Paris
Je suis née Marie Gouze le 7 mai 1748 à Montauban. Ma mère : Anne Olympe Mouisset. Mon père : Jean-Jacques Lefranc de Pompignan. Le mari de ma mère : Pierre Gouze. Je suis donc une enfant illégitime que mon père ne voudra pas reconnaître.
Je fréquente l'école jésuite où je reçois une éducation assez rudimentaire qui correspond à mon rang de petite bourgeoise. Je parle et écris mieux l'occitan que le français.
Je subis les mœurs de mon temps : je suis contrainte au mariage à l'âge de 17 ans et très vite je donne naissance à un fils. Je suis veuve à 20 ans, je retrouve ma liberté que je n'ai plus l'intention de perdre. Je refuse donc de garder le nom de mon mari et décide de ne jamais me remarier, considérant que « le mariage est le tombeau de la confiance et de l'amour ».
Je quitte alors ma ville natale avec mon fils Pierre pour rejoindre ma soeur à Paris. Je parviens peu à peu à fréquenter la société artistique et intellectuelle du Paris des Lumières. C'est vers cette époque que je compose mon nom et deviens Olympe de Gouges.
J'ai un amant, Jacques Biétrix, propriétaire de la Compagnie royale des transports militaires, qui m'apporte son soutien financier tout en acceptant mon indépendance. Je vis dans mes propres appartements et me consacre à l'étude. Nous nous fréquenterons jusqu'à la révolution.
A partir de 1776, je figure régulièrement dans l'Almanach de Paris, bottin mondain. Je fréquente notamment le salon de la marquise de Montesson avec qui je partage la même passion pour le théâtre.
Ma passion du théâtre
Encouragée par mes ami.e.s, je vais me consacrer entièrement au théâtre à une époque où la scène est un moyen pour intervenir dans le débat public. Ma plus fameuse et audacieuse pièce, du moins celle qui suscite les plus vives réactions, est Zamore et Myrza ou l'heureux naufrage (1783), où je prends partie pour l'abolition de l'esclavage, bien avant la création du Club des Amis des Noirs, ce qui me vaut d'ailleurs une lettre de cachet.
En vraie militante pour la justice et la liberté, mes pièces ont souvent un caractère social ou politique. J'y dénonce notamment les vœux forcés pour les jeunes filles, l'emprisonnement pour dettes, j'y réclame le droit au divorce, ainsi que le mariage pour les prêtres...
J'écris également une pièce qui fait suite au Mariage de Figaro intitulé Le mariage inattendu de Chérubin, qui me vaut les foudres de Beaumarchais qui fera en sorte que ma pièce ne soit pas jouée alors que le Théâtre italien l'avait retenue.
Mes écrits politiques
A partir de 1788, je publie mon premier pamphlet, Lettre au Peuple, puis des articles où j'élabore un programme de réformes sociales et politiques.
Je demande notamment : un impôt sur le luxe, la mise en place d'une caisse patriotique, une surveillance des dépenses des ministres et de la Cour, des maisons pour les vieillards, les enfants, des ateliers publics pour les ouvriers sans travail, des maisons de maternité, un contrat social de mariage, la formation d'un tribunal populaire... "Je donne cent projets utiles ; on les reçoit ; mais je suis femme, on ne m'en tient pas compte" (Correspondance de la Cour, 1792).
Avec mon art de la rhétorique, j'interviens sur les événements de la période révolutionnaire en publiant un nombre considérable de textes, que ce soit sous forme de brochures, placards ou articles. Pendant la Révolution, je déménage souvent pour être au plus près des événements, et j'écris sur le vif, tel un chroniqueur. Je fais vivre cet épisode de l'Histoire de France d'un point de vue singulier, souvent visionnaire. Mon oeuvre devient ainsi un véritable témoignage sur ces événements.
Je n'appartiens à aucun parti, je revendique mon indépendance et je défends la liberté d'expression.
Peu soucieuse de rester discrète alors que mon statut de femme l'exige, j'écris notamment en 1791 une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, qui préfigure la pensée féministe moderne. « Art 1 : la femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune... Art 10 : nul ne doit être inquiété pour ses opinions mêmes fondamentales, la femme a le droit de monter sur l'échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune ».
Je vais jusqu'au bout de mes convictions, c'est ainsi que je me propose d'être le défenseur de Louis XVI, non pas par royalisme, mais parce que je suis profondément contre la peine de mort.
Je combats les tyrans de tous bords, et n'hésite pas à publier un placard contre Robespierre que je fais afficher dans tout Paris en novembre 1792, aux prémices de la Terreur : « Tu te dis l'unique auteur de la révolution, tu n'en fus, tu n'en es, tu n'en seras éternellement que l'opprobre et l'exécration. Je ne m'épuiserai pas en efforts pour te détailler ; en peu de mots, je vais te caractériser : ton souffle méphétise l'air pur que nous respirons actuellement ; ta paupière vacillante exprime malgré toi toute la turpitude de ton âme, et chacun de tes cheveux porte un crime ».
Malgré les mises en garde de mes amis et consciente des risques que j'encours, je reste déterminée. Je suis finalement arrêtée, traduite devant le tribunal révolutionnaire, et condamnée à mort. Je suis la seule femme, sous la Révolution, à être guillotinée pour des écrits politiques. Je monte sur l'échafaud le 3 novembre 1793.
Je me suis montrée ma vie durant une militante active et authentique dans mes déclarations, dans mes écrits, dans mes affiches, dans tous mes combats. En véritable défenseur des droits humains, j'ai lutté sans relâche pour la liberté, la justice, contre les inégalités, les discriminations.
J'ai écrit une quarantaine de pièces de théâtre, la plupart engagées, un roman, et un nombre considérable de textes politiques, que j'ai moi-même fait imprimer, publier, placarder, distribuer, sans compter. J'y ai d'ailleurs dépenser ma fortune.
Avec mon sens de l'honneur et mon courage remarquable, je vous invite, par delà les siècles et les luttes menées depuis 1789, à une nécessaire permanence de l'esprit de résistance et de vigilance, ce qui m'a tant caractérisée et pour lequel je suis morte avec dignité.