Mon enfance et adolescence à Toulouse
Mes parents ont toujours privilégié notre éducation artistique à ma sœur et à moi : piano, activités manuelles, dessin, peinture, au détriment des études scolaires.
Dès ma plus jeune enfance, j'ai des aptitudes pour le dessin et très tôt je sais que je veux aller à Paris étudier la peinture.
Parmi les amis de la famille : Jean-Paul Laurens et Benjamin-Constant. Convaincus de mon talent, ils m'acceptent à l'académie Julian à Paris où ils donnent des cours, académie privée puisque l'école des Beaux-Arts n'admet toujours pas les femmes. L'académie Julian est en rupture avec l'enseignement traditionnel et apporte une contribution importante au grand mouvement artistique qui domine cette fin de siècle, l'Art nouveau.
Ce mouvement nourri par des courants littéraires et artistiques , tels que le japonisme et le symbolisme m'inspire beaucoup et ma production artistique recouvre exactement cette période (1890-1914). Le thème de la femme est omniprésent dans mon œuvre.
La période Mucha
J'habite dans le 9ème arrondissement de Paris où vivent de nombreux écrivains, acteurs, musiciens, peintres, qui forment l'élite du mouvement romantique parisien.
Je voyage aux Pays-Bas, expose à Bruxelles, et mon nom apparaît pour la première fois dans le catalogue du Salon de 1895.
La loi du 29 juillet 1881 autorisant la liberté de la presse et favorisant l'essor de la publicité, Jules Chéret (1836-1932), maître de l'affiche, fait naître une forme d'art différente, une nouvelle forme d'expression : l'affiche moderne.
Laurens et Constant, qui ne cessent de me soutenir, me cherchent un nouveau maître. Ils choisissent Mucha que Laurens connaît bien puisqu'il a été son premier professeur à son arrivée de Prague.
Je déménage alors, pour être au plus près de l'émulation artistique, rue Pigalle, rue des cabarets à la mode, notamment celui du Chat noir où le Tout-Paris se presse.
En 1896 se tient l'exposition d'affiches artistiques françaises et étrangères, modernes et rétrospectives au Cirque de Reims. J'ai 24 ans et j'y expose mon affiche pour le papier à cigarettes Job. Elle fait sensation et le succès est immédiat.
Et si 27 artistes travailleront pour la marque Job, j'en serai la seule femme.
Je fais partie de la petite équipe qui travaille pour Mucha devenu le maître de l'Art nouveau à la réalisation des 134 lithographies d'Ilsée, princesse de Tripoli.
On ne connaît pas la nature exacte de la relation entre Jane et Mucha mais la correspondance avec sa sœur, les allusions de ses amis d'enfance, laissent penser que Jane a été profondément éprise de son professeur. On ne peut alors s'empêcher de penser à Camille Claudel et Rodin.
Quoiqu'il en soit, je quitte Mucha en 1899, et m'éloigne de l'Art nouveau.
L'après Mucha
Je retrouve ma veine artistique et les commandes reprennent : illustrations de livres, créations de cartes postales, de panneaux décoratifs, de séries de menus, notamment pour le Café de Paris.
Je continue d'exposer des lithographies et obtiens une mention honorable au Salon de 1902.
Je me marie avec Raymond Leroux en 1905, petite lueur au milieu de quelques années sombres, les décès de ma mère, de ma sœur et de mon père.
En 1908, je m'inscris à l'Union des femmes peintres et sculptrices fondée en 1881 par la sculptrice Hélène Bertaux et y expose deux grandes huiles sur toile en 1909.
Après 1911, si je continue à peindre pour mes amis, je ne participe plus aux manifestations artistiques officielles.
L'Art nouveau n'est plus à la mode et tombe même en disgrâce. La guerre de 14 met fin à la Belle-Epoque.
Mon mari meurt dans la Marne en 1918 et ma dernière œuvre connue date de 1919.
Je me remarie en 1920 avec Arsène Bonnaire et en 1923, nous nous installons à Rabastens. Je vais toutefois régulièrement à Paris et comme autrefois je copie les tableaux les plus connus du Louvre où je me fais enfermer en dehors des heures et des jours d'ouverture. Je meurs en 1937.
Dans les années 60, l'Art nouveau et l'affiche redeviennent à la mode et mon affiche Job est régulièrement exposée en France mais aussi aux pays-Bas, en Allemagne, au Japon, aux Etats-Unis... pourtant mon nom ne sort pas de l'oubli.