Mon éducation
Je suis née à Venise en 1364, fille de Thomas de Pizan, médecin et astrologue fameux.
J'ai cinq ans quand mon père est appelé à la cour de Charles V. Là, je reçois l'éducation qui convient à mon rang. De langue italienne de par ma mère, j'étudie le latin et le français.
Le roi Charles V est très attaché aux livres, il inaugure la première Librairie royale, et a une bibliothèque personnelle de plus de neuf cents nouveaux livres, à laquelle j'ai accès, ce qui a certainement contribué à ma carrière.
A l'âge de quinze ans, je me marie avec Étienne du Castel, secrétaire du roi. Celui-ci, lettré et cultivé, occupera aussi une place importante dans mon éducation littéraire.
Mais, à partir de 1380, le destin vient frapper ma famille, avec tout d'abord la mort de Charles V, soutien financier, puis la maladie et la mort de mon père et enfin la mort de mon mari en 1390. Ainsi à l'âge de vingt cinq ans, je suis veuve et doit subvenir aux besoins de mes trois enfants et de ma mère. Je suis sans héritage et doit m'engager dans de nombreux procès pour récupérer les biens de mon mari et les rentes revenant à mes enfants. Cette situation judiciaire durera quatorze ans.
Première femme à vivre de sa plume
En 1392, je me met à l'étude, essentiellement des histoires anciennes. Puis, je me met à écrire, tout d'abord de la poésie, l’une des seules façons pour les femmes de la haute société d’intégrer le monde littéraire.
Mes œuvres connaissent du succès et mes écrits se répandent vite en France mais aussi à l'étranger. Des mécènes s'intéressent à moi : Jean de Montaigu, Comte de Salisbury, Jean de Berry qui eut dans sa librairie toutes mes œuvres. Mais aussi : la reine Isabeu de Bavière, le duc Louis d'Orléans, Valentine Visconti...
Grâce à mes nombreux protecteurs et protectrices, je peux subvenir aux besoins de ma famille et deviens ainsi la première femme à vivre de sa plume.
J'écris des ballades, des lais, des rondeaux, des jeux à vendre qui servent de distraction et d'amusement à la haute société du 14ème et 15ème siècles.
Philippe le Hardi, admiratif de mes œuvres me commande l'écriture de la vie de Charles V qui sera publiée en 1404 sous le titre Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V.
Mes textes « féministes »
En 1399, j'écris un Epistre au dieu d'Amours où je prononce un véritable plaidoyer en faveur des femmes contre les hommes déloyaux et trompeurs « Et jurent fort et promettent et mentent. Estre loiaulx, secrez, et puis s'en vantent », propos considérés scandaleux à l'époque de la part d'une femme.
Dans l'Epistre du Débat sur le Roman de la Rose (1401) et dans Le Dit de la rose (1402), je critique le Roman de la rose écrit par Jean de Meung, œuvre très populaire, mais remplie d’allusions sexuelles et de remarques misogynes.
Mon œuvre la plus fameuse reste la Cité des dames (1404-1405), où je remets en cause la prétendue infériorité des femmes, où je réfute les attaques dont les femmes sont victimes. Je termine l'ouvrage par un discours présentant ma Cité aux dames comme un refuge pour les femmes et leur donne des conseils : « Enfin, vous toutes, mesdames, femmes de grande, de moyenne ou d’humble condition, avant toute chose restez sur vos gardes et soyez vigilantes pour vous défendre contre les ennemis de votre honneur et de votre vertu ».
Dans mes écrits, je parle aussi de moi et utilise le « je », qui sera caractéristique de mon œuvre, pourtant très rare en littérature à l'époque. Ainsi j'écris dans mon Advision :
« Alors, je me mis à forger de jolies choses, plus légères au commencement, et tout comme l’ouvrier qui devient de plus en plus subtil dans ses œuvres à force de les pratiquer, en continuant toujours à étudier diverses matières, mon intelligence s’imprégnait de plus en plus de choses nouvelles, et mon style s’améliorait, gagnant en subtilité et touchant de plus hautes matières, depuis mille trois cent quatre-vingt-dix-neuf où je commençai, jusqu’en cette année mille quatre cent cinq où je ne cesse de continuer; j’ai compilé pendant ce temps quinze volumes principaux, sans compter les autres petits poèmes séparés ».
J'ai laissé une œuvre considérable, en vers et en prose, et suis considérée comme l'un des plus grands écrivains de mon temps.
En 1418, je quitte Paris et les massacres auxquels se livrent les Bourguignons, et me retire dans un couvent.
Plus aucun écrit ne paraît jusqu'en 1429 avec mon Ditié de Jeanne d’Arc, mes derniers vers chantant la victoire de Jeanne d'Arc et où je me félicite de l'honneur qui échoit au sexe féminin. Ce sont d'ailleurs les seuls vers en l'honneur de Jeanne d'Arc de son vivant qui nous soient parvenus.
Je meurs probablement en 1430 n'ayant rien dit ni écrit sur le supplice de Jeanne d'Arc en 1431.