Mes origines
Ma date de naissance a été sujet à discussion. Certains me font naître en 1661, d'autres en 1662, ou encore 1663. Finalement, les dernières recherches s'accordent sur la date du 24 août 1663. Je suis née à Rouen de Jeanne Dierquens et d'Abraham Bernard, dans une famille aisée, protestante, attachée au négoce. Je me nommais probablement Marie à ma naissance mais j'ai pris plus tard le prénom de ma marraine. Et je ne suis pas comme certains l'ont dit nièce de Corneille ni cousine de Fontenelle, mais par contre je suis la fille spirituelle de Madame de Lafayette. D'un milieu protestant intellectuel et cultivé, je reçois certainement une bonne éducation.
Par ailleurs, il n'existe aucun portrait de moi.
Je m'installe à Paris, j'abjure le protestantisme et embrasse la religion catholique en 1685, ce qui me coupe du soutien financier de ma famille, et m'oblige à vivre de ma plume.
Mes premières œuvres
Je publie, à l'âge de dix-sept ans, un premier roman Fédéric de Sicile paru à Paris et à Lyon en 1680. Mais ma carrière littéraire ne commence vraiment qu'en 1687 avec la parution d'Eléonor d'Yvrée, première nouvelle d'un recueil intitulé Les malheurs d'amour. Le Mercure Galant en fera d'ailleurs une critique avant parution en juillet 1687 : « Je ne peux encore rien dire de ce Livre, sinon que ceux qui l'ont vu en manuscrit assurent, qu'il peut aller de pair avec tout ce qui s'est fait de beau de cette nature, et que c'est un de ces Ouvrages où se rencontre tout ce que l'on peut attendre d'un esprit très délicat » puis à sa sortie en août 1687 : « C'est un degré de perfection où peu de personnes peuvent atteindre ». Je fais paraître la seconde nouvelle Le Comte d'Amboise en 1688, dont je dirais : « J'espère qu'on trouvera cette Histoire plus naturelle que l'autre par les sentiments. Aussi, on la trouvera plus extraordinaire par l'action ».
Mon théâtre
Le 11 février 1689, ma première tragédie en cinq actes Loadamie, reine d'Epire est représentée à la Comédie-française. Je suis ainsi la première femme à avoir écrit une tragédie jouée à la Comédie-française. Et avec ses 23 représentations, elle sera une des meilleures performances des dernières années du 17ème siècle.
« En représentant deux sœurs engagées en politique et en amitié, elle ébranle surtout deux idées reçues concernant les femmes à l’époque ». (Aurore Evain, Théâtre des femmes de l'Ancien Régime, vol 3, 2011).
Le 18 décembre 1690, c'est Brutus, ma seconde tragédie qui y est représentée, avec un plus grand succès encore, puisqu'elle restera plus de deux mois à l'affiche. La critique du Mercure Galant sera de nouveau élogieuse : « Les Dames aujourd'hui sont capables de tout, et si la délicatesse de leur esprit leur fait produire sans peine des Ouvrages tendres et galants, Mademoiselle Bernard vient de faire voir qu'elles savent pousser avec force les sentiments héroïques, et soutenir noblement le caractère Romain. C'est elle qui a fait la tragédie de Brutus, dont les représentations attirent de si grandes assemblées ».
« En mettant en scène la Rome patriarcale, l’autrice semble moins s’intéresser à l’exalter qu’à s’interroger sur sa raison d’être ». (Aurore Evain, Théâtre des femmes de l'Ancien Régime, vol 3, 2011).
En 1730, Voltaire publie un Brutus dont il est dit qu'il a plagié nombreux de mes vers et copié ma structure dramaturgique. Pour se défendre, Voltaire dira que ce n'est pas moi qui ai écrit cette tragédie mais Fontenelle. C'est à partir de cette polémique que mon effacement va commencer.
Madame de Pontchartrain, une de mes protectrices avec Madame de Maintenon, m'encourage à abandonner le théâtre, mal vu des milieux dévots, et m'offre une pension. Je n'écrirai donc plus de théâtre.
Ma poésie, mes contes et mes consécrations
Dès 1683, j'écris de la poésie. Je reçois trois fois le premier prix de poésie de l'Académie française. En 1690, sur le sujet « Que le Roi seul en toute l'Europe défend et protège le droit des Rois ». Grâce à ce prix, j'obtiens une pension de Louis XIV. En 1693, sur le sujet « Plus le Roi mérite les louanges, plus il les évite ». Et un dernier en 1697. Je reçois également trois fois le premier prix de poésie aux Jeux Floraux de Toulouse où contrairement à l'Académie française les sujets sont libres. Je choisis « Sur l'établissement de la religion chrétienne » en 1696. Je suis couronnée pour un églogue (poème consacré à un sujet pastoral) en 1697 et pour « Sur la foi » en 1697. J'écris deux contes : Le prince Rosier et Riquet à la Houppe publiés dans le recueil Inès de Cordoue en 1696 qui sont parmi les premiers contes publiés en France. Je fréquente les salons littéraires, en particulier celui de Mademoiselle l'Héritier, écrivaine, poétesse et autrice de contes.
Comme ultime consécration, le 9 février 1699, je suis admise à l'Académie des Ricovrati de Padoue, une des rares Académie à recevoir des femmes en son sein, en tant que membre étranger sous le nom de Calliope, l'Invincible.
Depuis 1698 je ne publie plus rien et n'écris encore des vers que pour des demandes particulières, entre autres : en l'honneur du duc d'Anjou qui vient de recevoir la couronne d'Espagne (1701), pour la naissance du duc de Bretagne(1704), pour la marquise d'Hendicourt (1709). Je ne laisse pas de traces de mes dernières années et meurt le 6 septembre 1712.
Mes œuvres
Fédéric de Sicile, roman, 1680
Le Commerce galant ou lettres tendres et galantes de la jeune Iris et de Timandre, en collaboration avec Jacques Pradon, 1682
Les Malheurs de l'amour. Première nouvelle. Éléonore d'Yvrée, nouvelle,1687
Le Comte d'Amboise, nouvelle galante, 1688
Laodamie, reine d'Épire, tragédie,1689
Brutus, tragédie, 1690
Inès de Cordoue. Nouvelle espagnole, nouvelle, 1696
Le prince Rosier dans Inès de Cordoue, conte, 1696
Riquet à la Houppe dans Inès de Cordoue, conte, 1696
Histoire de la rupture d'Abénamar et de Fatime, nouvelle, publiée avec Inès de Cordoue, 1696
Poésies 1683-1709