Mon éducation
Je suis née Hélène de Nervo le 2 mars 1764 à Lyon. Mon père, Jean-Baptiste de Nervo, a acquis ses titres de noblesse en étant conseiller-secrétaire près la Cour des monnaies et sénéchaussées de Lyon. Ma mère, Anne Marie Sabine Mayeuvre de Champvieux, possède également des titres de noblesse de par sa famille.
Mes parents s'installent à Paris où je reçois une éducation due à mon rang. J'apprends donc le piano-forte, ce qui est de bon ton pour une femme pour qu'elle puisse animer une soirée entre gens du monde. D'ailleurs, le piano-forte est un des rares instruments autorisés pour une femme car elle ne le touche ni des lèvres, ni des seins, ce qui serait inconvenant, ainsi donc les instruments à vent ou les cordes sont déconseillées.
Je prends des cours de piano avec Hüllmandel, musicien alsacien, installé à Paris depuis 1776 où il rencontre un succès immédiat. Lorsque j'ai treize ans, il déclare qu'il n'a plus rien à m'apprendre.
Une pianiste virtuose
Je joue dans les salons, ceux de Mme Vigée Le Brun, Mme de Staël, de la marquise de La Tour du Pin, entre autres, où l'on admire mon jeu sans réserve. Les critiques élogieuses ne manquent pas :
« Mme de Montgeroult a été placé dans cette collection parmi les artistes parce qu'il est plus rare d'être un talent du premier ordre que marquise et femme...Aucun des pianistes, ses contemporains, n'a eu un aussi grand volume de son, ni n'a joué l'adagio avec une aussi profonde expression ». (Baron Louis de Trémont, Collection de lettres autographes de personnages célèbres des XVIIIe et XIXe siècles, T IV).
« Heureux le compositeur qui trouve dans Mme de Montgeroult son interprète ! On sait que Mme de Montgeroult est sur le piano une improvisatrice sublime ». (François Miel, Mémorial universel de l'Industrie française, des sciences et des arts, Journal du Cercle des Arts, 1822)
« Jamais ses touches (du piano, ndrl) ne se seraient animées d'une expression plus suave et plus exquise que sous les doigts d'Hélène de Nervo, plus tard madame de Montgeroult ». (Paul Smith, pseudonyme d’Édouard Monnais, Revue et gazette musicale de Paris, 1841).
Et si je ne joue que dans les salons, c'est à cause de mon rang. En effet, jouer en public avec une rémunération serait considéré comme un avilissement pour une famille noble et une fille de condition.
Je suis une des premières à jouer Bach.
Je prends aussi des cours avec le compositeur et pianiste tchèque Dussek, qui me dédie ses trois sonates opus 5.
Je me marie en 1784 avec le marquis de Montgeroult.
En 1785, je rencontre Viotti, violoniste italien arrivé à Paris en 1782, considéré comme le plus grand violoniste du moment. Nous jouons souvent ensemble et nous faisons même des improvisations. « Le nec plus ultrà de l'effet musical ne peut avoir lieu que lorsque tous les exécutants possèdent non seulement une égale habileté, mais une semblable flexibilité d'organes, un pareil degré de chaleur et d'enthousiasme. De pareilles réunions ont toujours été rares et ne sont que des exceptions. La fameuse troupe des bouffons de 1789 en a offert un exemple ; depuis lors Viotti, accompagné par madame de Montgeroult... ». (François-Joseph Fétis, La musique mise à la portée de tout le monde...).
En 1793, mon mari, alors général de brigade, a pour mission d'accompagner Maret nommé ambassadeur à Naples. Nous quittons donc Paris et les événements révolutionnaires. Mais nous sommes arrêtés par les autrichiens en Lombardie, et mon mari meurt en prison à Mantoue le 2 septembre 1793. Je trouve refuge auprès de François de Barthélémy à Baden. J'ai perdu beaucoup de bien et une grande partie de ma fortune mais je peux rentrer en France fin 1793. Je donne alors des cours de piano et commence à composer.
Une compositrice visionnaire
En 1795, je donne naissance à un fils, je compose mes premières sonates, je suis nommée professeur de piano, 1ère classe homme, au Conservatoire de musique qui vient d'ouvrir. Je suis ainsi la première femme à occuper un tel poste. Il faudra ensuite attendre presque cinquante ans pour que Louise Farrenc y soit nommée. Malheureusement je dois en démissionner en janvier 1798 pour des raisons de santé.
Vers 1799, je prends des cours avec Reicha qui m'enseigne le contrepoint.
Je tiens aussi un salon où je reçois tous les lundis.
Je compose neuf sonates pour le pianoforte, une pièce pour pianoforte, six nocturnes.
J'écris un Cours complet pour l'enseignement du pianoforte de 711 pages, qui comporte 972 exercices, 114 études, des Thèmes variés, trois fugues, une Fantaisie. C'est le cours pour piano le plus important du 19ème siècle.
Je suis visionnaire parce que mes compositions ont trente ans d'avance sur mon temps : j'écris de la musique romantique avant l'heure.
« Il y a du Schubert, façon Impromptu dans l’Étude no62 ; du Chopin, façon opus 10 no12, dans l’Étude no107 ; et même du Brahms, façon Intermezzi, dans l’Étude no104 ». (Jérôme Bastianelli, Critique des Études d'Hélène de Montgeroult, Diapason, 2007).
Ma santé se dégrade et je pars m'installer en Italie.
Je meurs à Florence le 20 mai 1836.
Mes œuvres
Opus 1 : 3 Sonates pour le forte-piano (1795)
Sonate n°1 en fa majeur
Sonate n°2 en mi ♭ majeur
Sonate n°3 en fa mineur
Opus 2 : 3 Sonates pour le forte-piano (1800)
Sonate n°4 en sol mineur
Sonate n°5 en ut majeur
Sonate n°6 en la mineur, avec accompagnement de piano
Opus 3 : Pièce pour pianoforte en mi bémol majeur (1804)
Opus 4 perdu. Il s'agirait de trois fantaisies.
Opus 5 : 3 Sonates pour le forte-piano (1804-1807)
Sonate n°7 en ré majeur
Sonate n°8 en fa mineur
Sonate n°9 en fa # mineur
Opus 6 : Six nocturnes (1807)
Cours complet pour l'enseignement du pianoforte , écrit entre 1788 et 1812
Cette méthode publiée pour la première fois probablement en 1816 comporte 972 exercices, 114 études, des Thèmes variés, trois fugues (n°1 en fa mineur, n°2 en mi majeur, n°3 en sol mineur), une Fantaisie, un Canon en la majeur.