Ma jeunesse
Je suis née le 27 juillet 1740 à La Comelle, commune de Saône et Loire, en Bourgogne. Ma mère Jeanne Pochard et mon père Jean Barret sont paysans. Malgré une famille modeste, voire pauvre, j’apprends à lire et écrire. Ma mère décède quand je suis encore enfant, j'aide alors mon père à la ferme.
A l'âge de 20 ans, je suis orpheline et doit subvenir à mes besoins.
Ma rencontre avec le docteur Philibert Commerson
Je rentre au service du médecin Commerson comme gouvernante, à Toulon-sur-Arroux, village proche du mien. Il est veuf depuis peu avec un enfant en bas-âge dont j'ai la charge. Mais il est surtout passionné de botanique. Je suis de nature curieuse et l'accompagne dans ses excursions pour ramasser des plantes. Philibert est plutôt brouillon, je l'aide à mettre de l'ordre dans les échantillons ramassés et à faire les herbiers. Il m'apprend ainsi peu à peu cette science, qui comme d'autres, est en pleine expansion.
Nous devenons amants. Je tombe enceinte, et pour éviter le scandale nous décidons de nous installer à Paris, confiant le fils de Commerson à la garde d'un oncle. Je donne naissance à un garçon fin 1764, mais fille mère je l'abandonne à l'Hôpital général où il se verra confié à une nourrice. Il décédera quelques mois plus tard.
Commerson gagne de la notoriété et recommandé par l'astronome Lalande, il est désigné comme naturaliste pour accompagner Bougainville dans son voyage autour du monde, voyage à la fois politique et scientifique.
Avant son départ, au cas où il lui arriverait quelque chose pendant le voyage, Philibert rédige un testament en ma faveur, sans déshériter son fils, mais pour me mettre à l'abri, testament déposé chez le notaire le 14 décembre 1766.
Mon voyage à bord de l’Étoile
L'ordonnance du roi Henri II, d'avril 1689 interdisant la présence de toute femme à bord des navires de sa majesté, m'oblige à me déguiser en homme. Je me coupe les cheveux, me bande les seins et me fais passer pour le valet de Commerson pour pouvoir embarquer sur l’Étoile qui quitte le port de Brest le 1er février 1767. Vivre en femme déguisée sur un bateau est un défi sans cesse renouvelé, manque d'hygiène, d'intimité, et je dois à tout moment paraître « viril ». Avec Philibert, nous explorons les terres inconnues : Rio de Janeiro, Montevideo, les îles Malouines, la Patagonie, Tahiti... jusqu'à l'île Maurice. Nous récoltons d'innombrables plantes, nous ramassons des coquillages, nous faisons des dessins, des croquis, nous prenons des notes. Je travaille sans relâche, arpentant tous les sentiers, escaladant des sommets, par grande chaleur ou grand froid, parfois seule, Philibert ayant des problèmes de santé et notamment une blessure à la jambe, ce qui me vaut le surnom de « bête de somme ». J'aide aussi à ordonner les notes et classifier les spécimens.
Mon débarquement à Port-Louis, capitale de l'île Maurice
Des membres de l'équipage ou Bougainville lui-même avaient-ils des soupçons sur mon identité ? Ou avaient-ils compris sans rien dire que j'étais une femme par peur de représailles. Toujours est-il que c'est en avril 1768 à Tahiti que je suis démasquée par les autochtones et que Bougainville me convoque. Je lui avoue tout mais que j'aie agi de ma propre volonté pour protéger Commerson qui aurait pu sinon finir à la Bastille. Nous continuons toutefois le voyage jusqu'à l'île Maurice, alors colonie française, où nous sommes débarqués en novembre 1768. Nous poursuivons nos travaux de récoltes et de classification, j'accompagne même Philibert à Madagascar et à l'île Bourbon.
Mais en mars 1773, Philibert affaibli et souffrant depuis longtemps décède d'une pleurésie.
J'expédie à Paris les 32 caisses renfermant toutes les collections accumulées depuis notre départ, 5000 espèces de plantes dont 3000 décrites comme nouvelles.
Je me retrouve alors seule et sans ressources.
J'ouvre une auberge et le 17 mai 1774, je me marie avec Jean Dubernat, un officier français.
Mon retour en France
Nous rentrons en France en 1775 et nous nous installons en Dordogne d'où mon mari est originaire.
En 1776, je réclame les biens que Commerson m'a légués.
En 1794, j'obtiens la reconnaissance du roi Louis XVI pour mon travail d'assistante botaniste, ce qui me vaut une pension pour services rendus à l'expédition.
Je décède le 5 août 1807 à Sainte-Aulaye en Dordogne.
Commerson m'a dédié un arbrisseau de la famille des méliacées, le quivisia ou turrea (le bois de quivi), qu'il a baptisé le baretia en mon honneur.
« Nous sommes redevables à son héroïsme de tant de plantes jamais récoltées jusqu'alors, de tant de collections d'insectes et de coquillages, que ce serait préjudiciable de ma part, comme de celle de tout naturaliste, de ne pas lui rendre le plus profond hommage en lui dédiant cette fleur ». Philibert Commerson, notes.